MONSEMPRON LIBOS, Est-il permis de démolir? (47)
EST-IL PERMIS DE DEMOLIR ?
« On ne refait pas le passé. S’il ressuscite, malgré la science, malgré le goût, les plus avertis, et les plus sûrs, ce ne peut être que dans sa forme ancienne. Une restauration, à plus forte raison une restitution (réfection), se reconnait toujours.
Il est donc vain de donner le change. Les vrais artistes, lorsqu’ils sont appelés à restaurer, le savent. Ils interprètent le Passé, discrètement. Et c’est la meilleure manière de l’honorer que de ne pas chercher à lui substituer un Présent qui ne serait sa parfaite image. En revanche ce qu’il faut chercher, c’est à rendre l’ambiance du passé, son atmosphère … »
Ernest de Ganay – Propriétaire des Jardins de Courances (1880-1963)
Lorsque nous rédigeons, cette note l’apaisement a pris le pas sur la colère.
Nous avons fait des choix, nous avons trouvé des intérêts à la démolition. Rendre l’ambiance du passé, c’est retrouver un espace vivant, actif, public et partagé. C’est le seul intérêt pour anéantir un bâtiment représentant un témoignage de l’architecture du 20ème siècle.
Nous avons d’abord gommé ce témoignage pour porter un regard nouveau sur ce quartier. Ce coup de gomme a engendré plusieurs abcès : une entrée de ville déstructurée, une rue principale (la seule de Monsempron) amputée de ses logiques de front bâti continu, la perte d’une identité forte portée par le témoignage de cette architecture.
Nous avons recherché de nouveaux appuis :
- d’abord les rapports à la géographie le Lot et la Lémance. Le Lot est presque déjà trop loin pour avoir une prise directe avec le paysage du quartier. En revanche, une ligne d’environ 150m se dessine entre le pont sur la Lémance et la rue de Liberté ; un axe fondateur qui introduit une nouvelle dimension, une perspective possible …
- une topographie subtile dessine des lignes parallèles à la rue de la fraternité, les courbes de niveaux du Lot, lui-même inaccessible depuis notre périmètre de travail …
- le vestige du clos de cette ancienne propriété des bords du Lot ; un cœur d’ilot ?, un jardin pour demain ?
- le cinéma, comme lieu central de la vie de quartier
Les premières épures nous ont conduit vers la reconstruction de ce l’on avait gommé pour cicatriser la plaie béante de la destruction.
Reconstruire est inévitable, faire exister un lieu dans un carrefour ouvert sur des arrières est plus qu’incertain.
Il fallait reconstruire et conserver cette nouvelle perspective, donc libérer le sol ; un plan libre générant un espace indicible chère aux modernistes.
La notion d’« espace indicible » occupe une position centrale dans la théorie architecturale de Le Corbusier des années 50. Loin d’être vide de sens, le concept d’espace indicible vise à penser l’expérience esthétique et spatiale dont est passible l’architecture, cela pour rendre compte de l’émotion plastique ressentie face aux chefs-d’œuvre du passé mais aussi pour décrire la qualité de l’expérience que l’architecte cherche à produire par ses propres qualités. Ainsi, « l’espace indicible » désigne non seulement un concept, mais également un référentiel concret visant à démultiplier l’espace perçu.
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